Le dragon, symbole sacré sur les vêtements impériaux
Hanoï (VNA) - Le
dragon, profondément enraciné dans les croyances vietnamiennes, est l'emblème
de la puissance, de la noblesse, de la prospérité et de l'intelligence. Dans la
société féodale, cet animal fabuleux symbolisait toujours la royauté et était
représenté sur les tenues de cérémonie de l'empereur.
La figure du
dragon occupe une place centrale dans la culture traditionnelle. En tant qu'une
des quatre créatures sacrées (dragon, licorne, tortue, phénix), son image est
omniprésente, gravée sur les toits des ouvrages architecturaux dont les
pagodes, les temples ou les maisons communes, ainsi que sur les objets de culte
tels que brûle-encens, assiettes, bocaux. Elle est aussi brodée sur les
vêtements des rois et des membres de la famille impériale, en particulier sous
la dynastie des Nguyên (1802-1945).
Les costumes de
cette époque - dernière dynastie féodale vietnamienne - représentent une valeur
esthétique et historique inestimable. Le manteau royal est l'un des vêtements
cérémoniaux portés lors des rites importants de la Cour, organisés au palais
Thái Hoà (palais de l'Harmonie suprême), dans l'ancienne Cité impériale de Huê,
province de Thua Thiên Huê (Centre), tels que le jour de l'An, le Têt Ðoan
Duong ou Ðoan Ngo (fête du 5e jour du 5e mois lunaire), le Têt Van tho (fête de
l’anniversaire de la naissance du roi)…
Le manteau royal
comprend deux longs pans, conçus en soie ou en brocart, des tissus haut de
gamme dédiés aux rois et à la famille royale. Il a un col composé de deux
couches de tissu et cinq boutons placés au centre du col jusqu’à l’aisselle
droite. Ce design facilite l’ouverture et la fermeture du costume. Les manches
ont une largeur d’environ 40 à 50 cm.
Manteaux royaux décorés de dragons présentés lors d'une exposition. Photo : VNP/VNA/CVN
Sur les pans, des
motifs d’ornement sont répartis en trois parties symbolisant le ciel, la terre
et l’eau. Le ciel occupe une grande partie de la chemise, principalement décoré
de nuages ou d’une paire de dragons face à face avec le soleil au milieu. La terre
et l’eau sont représentées sur les manches et l’ourlet, avec des images de
montagnes, de vagues et de cascades. Le tout s’harmonisant parfaitement dans un
ensemble unifié, comme un véritable tableau.
La plupart des
costumes des Nguyên arborent cinq couleurs, le jaune, le rouge, le bleu, le
blanc et le noir, parmi lesquelles le jaune est prédominant, incarnant la
puissance et la noblesse de la royauté (équivalant au bleu roi dans la culture
française).
Métamorphose au
fil du temps
L’image du dragon
est présente sur de nombreux vêtements des rois, subissant des changements de
structure et de modèle pour mieux s’adapter à la culture du moment.
Sous la dynastie
des Lý (1009-1225), le dragon arborait une crête sur la tête, avec un corps
long, souple et ondulant, similaire à celui d’un serpent.
Même si certains
détails ont évolué, le dragon sous la dynastie des Trân (1225-1400) conservait
le style du dragon des Lý. Il présentait une paire de cornes sur la tête, des
oreilles, de grandes pattes avec des griffes, symbolisant la vitalité et la
force de l’animal sacré.
Jusqu’à la
dynastie des Lê postérieur (1428-1789), le dragon fut représenté de deux
manières : l’une conservant une nouvelle apparence tout en préservant certains
éléments du dragon des rois Trân, l’autre, inspirée de la culture chinoise,
remplaçait la crête par deux longues cornes fourchues et des sourcils
agressifs.
La fouille de la
tombe du roi Lê Du Tông (1705-1729) a permis de découvrir un manteau royal
portant une tête de dragon sur le devant.
Sous la dynastie
des Nguyên, le dragon avait nettement changé. Les détails ont été modifiés pour
refléter la minutie, la valeur esthétique et le style vietnamien,
indépendamment des influences externes. Deux motifs se sont distingués.
Le premier est un
dragon seul, entouré de nuages, avec cinq griffes, la tête de face, et les
pattes pointant dans quatre directions. Les yeux sont grands et ronds, et les
cornes rappellent les bois d’un cerf.
Le deuxième motif
montre deux dragons de profil, la gueule ouverte, se faisant face à face et
avec un soleil ou une perle au centre. Il s’agit d’une décoration familière
largement observée sur les ouvrages architecturaux sous la dynastie des Nguyên.
Selon les
experts, cette dynastie mettait l’accent sur le confucianisme, de sorte que la
plupart des thèmes et images de décoration illustrent le pouvoir, la dignité et
la noblesse du roi et de l’aristocratie. Les costumes impériaux sont souvent
conçus avec de nombreux détails liés au confucianisme, mettant en valeur le yin
et le yang, ainsi que les cinq éléments : métal, bois, eau, feu, terre. Parmi
ces motifs, on retrouve le soleil, la lune, le lotus, les montagnes, les
vagues, le phénix et surtout le dragon, considéré comme l’animal sacré de
l’univers.
À travers les
dynasties, le dragon a beaucoup évolué, reflétant les changements politiques,
culturels et la perception artistique de chaque époque. Celui sous le règne des
Nguyên en est la quintessence, avec toute son originalité, son esthétique et sa
prospérité, représentant la diversité de l’art traditionnel des Vietnamiens. -CVN/VNA