Un voyage de 99 jours a la decouverte des minorites ethniques hinh anh 1La journaliste-réalisatrice Bông Mai présente une partie de son exposition. Photo: CVN/VNA

Hanoi (VNA) - Seule, la journaliste-réalisatrice Nguyên Bông Mai a réalisé un voyage à travers le Vietnam de 99 jours pour découvrir la culture des minorités ethniques. De retour, elle possède un trésor documentaire riche de 55 costumes et 49 chants d’une trentaine d’ethnies. Rencontre.

Élégante dans une tunique traditionnelle des Vietnamiennes (áo dài) en soie jaune de fleur d’abricotier, comme le suggère son nom, Bông Mai a impressionné les visiteurs du Musée des femmes du Vietnam à Hanoï en dévoilant, lors de sa récente exposition photo, une partie des images de minorités ethniques vietnamiennes. Intitulé “Oser vivre une vie éclatante”, l’événement était l’occasion pour la journaliste-réalisatrice de raconter au public son voyage de 99 jours à travers le Vietnam en voiture, durant lequel elle a vécu des moments forts et inoubliables au-delà de ses attentes.

10.000 km et 35 ethnies

Début 2022, alors que la pandémie de COVID-19 persistait, Bông Mai a surpris ses amis et proches en annonçant qu’elle voyagerait seule dans le but de découvrir et d’étudier les caractéristiques des cultures des minorités ethniques du pays, se concentrant sur les costumes traditionnels, les chants et danses folkloriques.

Au cours de ma carrière de journaliste, j’ai rencontré beaucoup de femmes, les unes malheureuses et souffrantes, les autres n’ayant jamais osé vivre leur propre vie ou abandonner les priorités comme la famille et le travail pour réaliser leur rêve. J’ai moi-même vécu de cette manière pendant des années... En effectuant ce périple, outre mon objectif principal de découverte culturelle, je voulais également réveiller les aspirations des femmes et montrer que nous pouvons faire tant de choses dans la vie”, explique-t-elle.

Trois mois avant le départ, Bông Mai a consacré beaucoup de temps à lire sur les cultures des minorités ethniques. Elle a rangé dans le coffre de sa voiture sept caisses remplies d’articles personnels nécessaires, numérotées dans l’ordre.

Elle a parcouru 10.000 km à travers 80 villages de 44 villes et provinces, du Nord au Sud en passant par le Centre. La Hanoïenne a sillonné des régions fluviales et côtières, bravant le soleil intense et la pluie torrentielle.

Elle a rencontré directement les habitants locaux, en particulier les femmes Bô Y, Dao, La Hu, Si La, Thu Lao, Pa Di (Nord-Ouest), Co Lao, La Chi, San Chi, Tày, H’mông, Thô (Nord-Est), Ê đê, H’rê, K’ho, Gia Rai (hauts plateaux du Centre), Cham (Centre), séjournant chez certaines d’entre elles et découvrant leurs us et coutumes. “Ce furent des rencontres improvisées mais pleines d’émotions et de souvenirs. J’ai pris le temps de discuter avec elles, de les écouter, puis de noter méticuleusement dans mon journal intime, de photographier ou d’enregistrer en vidéo ce que je trouvais intéressant ou caractéristique”, se souvient la femme de 46 ans, à la peau bien bronzée après l’excursion.

Au total, elle a collecté des archives sur 55 costumes et 49 mélodies de 35 minorités ethniques. À ses recherches se sont ajoutés les nombreux récits racontés, des histoires pleines de vie.

Parlant de son aventure, le journaliste Truong Anh Ngoc l’a qualifiée d’”itinéraire culturel spécial de découverte des ethnies vietnamiennes. Mais, plus important, j’apprécie sa volonté d’oser vivre une vie éclatante”.

Seule, mais jamais solitaire

Bông Mai a trouvé des caractéristiques culturelles uniques dans les costumes traditionnels de ces ethnies ainsi que leurs différences et leurs particularités, de la manière d’utiliser les foulards aux motifs des manchettes, en passant par la mise en place d’accessoires et de bijoux.

Pour créer un vêtement, les femmes ont réalisé manuellement presque toutes les étapes, comme la teinture, le tissage et la couture. Elles tissent en chantant des mélodies louant la famille et la nature. Ainsi, ce n’est plus une simple tenue vestimentaire, mais une création reflétant la beauté de la vie quotidienne. Les costumes montrent la personnalité, les sentiments, l’habileté et l’ingéniosité des tisserandes”, constate-t-elle.

Elle se remémore les moments inoubliables vécus, les histoires touchantes et les rencontres avec de véritables amis. “C’était un voyage que j’ai effectué seule avec ma voiture. Mais je ne me suis jamais sentie seule car j’étais avec des familles qui m’ont accueillie chaleureusement et m’ont encouragée, même après mon départ”, affirme-t-elle en montrant une photo qu’elle a prise avec Lo Thi Phau, une septuagénaire de l’ethnie Khang, avec un extrait de son message. “Ma chère Mai, j’admire ton voyage. Toi, une femme fragile, mais qui a osé venir seule pour nous rencontrer, les gens éloignés du Nord-Est. Je souhaite pouvoir m’incarner en nuages pour suivre tes pas, pour te protéger de telle sorte que tu ne rencontres que la chance lors de ton voyage en ce temps de COVID... J’attends toujours de tes nouvelles”, écrit Mme Phau, domiciliée à Son La (Nord), le 28 février 2022 à Bông Mai.

Une histoire touchante

Bông Mai se souvient de l’histoire la plus marquante de son voyage, celle de Mua, une fille de 10 ans atteinte de paralysie des jambes depuis quelques mois après avoir eu une forte fièvre. La voix tremblante, elle se rappelle de leur première rencontre : “Je crois que Mua et moi avons une relation prédestinée. La première chose qu’elle m’a demandée en me voyant était +Qui es-tu pour venir me voir ?+. J’ai réalisé que Mua n’avait pas de problème mental, seulement une paralysie des jambes. Et le jour de mon départ, avant de me dire au revoir, Mua m’a suppliée de revenir la voir. Ma promesse a été de l’aider à guérir et à réaliser son rêve d’aller à l’école comme ses amis”.

Sept mois après la rencontre avec Mua, Bông Mai a tout mis en œuvre pour amener Mua à l’hôpital. Récemment, elle a été informée par l’hôpital Dông Dô à Hanoï que les chances de guérison et de rétablissement de Mua étaient élevées. “J’ai pleuré quand j’ai reçu cette nouvelle”, confie-t-elle. En plus de Mua, Bông Mai a également aidé de nombreuses femmes pauvres qu’elle a rencontrées à trouver des opportunités d’emploi ou à acquérir de nouvelles compétences pour gagner leur vie.

Une femme inspirante

Après son voyage, Bông Mai souhaite transmettre aux femmes le message “Oser vivre une vie éclatante” dans l’espoir de les encourager à franchir leurs limites pour réaliser leurs rêves et à briser les préjugés sociaux. “C’est pourquoi j’ai décidé d’organiser mon exposition photo du 18 au 26 février 2023 à Hanoï pour valoriser les patrimoines culturels féminins et promouvoir l’autonomie des femmes dans la société, en particulier celles vivant dans les régions montagneuses et reculées”, dit-elle.

Invitée à Hanoï par Bông Mai, Mme Phau ne cesse de la féliciter. “J’ai eu la chance de la rencontrer. Elle est venue chez nous pour étudier nos us et coutumes. Je suis vraiment très fière d’elle car Mai a la volonté de nous aider à préserver les traits culturels des Khang”.

Pour Nguyên Thi Minh Huong, vice-présidente de l’Union des femmes du Vietnam (UFV), présente à l’exposition, “ce voyage trans-vietnamien de 99 jours de Bông Mai est une expérience inspirante et pleine d’énergie. Je l’appelle "une aventure colorée". Conduisant seule sa voiture, elle a franchi des routes accidentées et de hauts cols pour rencontrer les gens locaux, écouter leurs témoignages et immortaliser les moments forts de leur vie quotidienne pleine de couleurs”.

Selon elle, “personne ne choisit son lieu de naissance mais on peut choisir sa manière de vivre. Alors, pourquoi ne pas choisir une vie pleine de couleurs et de sens pour changer ce que l’on veut. L’UFV est fière d’accompagner les femmes et les enfants qui osent faire leurs propres choix, dépassent leurs limites pour rechercher le succès, le bonheur et transmettre de belles valeurs à la communauté”.

Cette année, Bông Mai publiera deux livres : l’un sur les tenues traditionnelles des minorités ethniques et l’autre sur son voyage.-CVN/VNA