Un gisement géant revigore l'industrie pétrolière en Norvège

Au pied de structures métalliques jaunes, des dizaines de milliards d'USD enfouis sous les fonds marins : tandis que la planète cherche désespérément à enrayer le réchauffement, un gigantesque gisement donne une nouvelle vie au secteur pétrolier en Norvège.

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Des plateformes pétrolières norvégiennes au-dessus du gisement pétrolier Johan Sverdrup en mer du Nord, le 3 décembre.

"Énorme !", se réjouit le directeur d'Equinor pour la Norvège, Arne Sigve Nylund. "À son apogée, cela représentera 25 ou 30% de la production pétrolière totale sur le plateau continental norvégien", dit-il en faisant visiter le champ Johan Sverdrup, casque de sécurité vissé sur la tête.
Cinquante ans après la découverte de la première goutte d'or noir au large du royaume scandinave, ce gisement est la promesse d'un demi-siècle supplémentaire d'activité pétrolière, malgré l'hostilité croissante envers les énergies fossiles.
De quoi mettre du baume au c
œur à une industrie norvégienne frappée par la baisse continue de la production de pétrole depuis le début du millénaire, et la chute du cours du baril en 2014.
Pour elle, Johan Sverdrup, ce sont de précieux investissements et emplois. Une manne de 1.430 milliards de couronnes (157 milliards d'USD) gisant en mer du Nord, dont plus de 900 milliards de recettes fiscales pour l'
État, selon Equinor (anciennement Statoil).
Une manne qu'un forage de prospection du français Elf, depuis absorbé par Total, avait loupé de quelques mètres seulement dans les années 1970.
S'il sera formellement inauguré par le roi de Norvège en janvier, le mastodonte est entré en exploitation début octobre et pompe déjà quotidiennement 350.000 barils. Cela en fait "probablement" le champ pétrolier le plus productif d'Europe de l'Ouest, selon la Direction norvégienne du pétrole.

À son pic à compter de la fin 2022, le gisement devrait produire près du double, soit 660.000 barils par jour.
Pétrole propre... à produire 
Les installations, quatre plateformes - bientôt rejointes par une cinquième - reliées entre elles par des passerelles, sont si grandes que les travailleurs s'y déplacent sur des trottinettes tricycles.
Le gisement, qui regroupe aussi le suédois Lundin, le norvégien Aker BP et Total, est alimenté en électricité depuis la terre, via à un câble sous-marin de 160 kilomètres de long. Avec de l'énergie "propre" donc, tirée des barrages hydroélectriques, plutôt que du gaz comme c'est le cas sur beaucoup d'autres sites.

Des salariés d'Équinor sur une plateforme exploitant le gisement pétrolier norvégien Johan Sverdrup en mer du Nord, le 3 décembre. 
Photo : AFP/VNA/CVN

"Chaque baril de pétrole produit sur Johan Sverdrup a eu une empreinte carbone 25 fois plus faible que la moyenne mondiale", souligne Rune Nedregaard, chef du projet chez Equinor. "C'est important pour le climat: vu qu'on a besoin de pétrole, c'est essentiel de le produire aussi efficacement que possible".
Mais le changement climatique ignore les frontières et, à la combustion, stade autrement plus polluant que la production, ce pétrole est aussi néfaste que les autres, objectent les défenseurs de l'environnement.
Les 2,7 milliards de barils exploitables de Johan Sverdrup équivalent à plus de 20 fois les émissions totales annuelles de gaz à effet de serre de la Norvège, font-ils valoir.
Vache à lait 
"C'est la politique pétrolière qui pose les jalons pour la politique climatique, alors que ce devrait être l'inverse", s'insurge la présidente de la branche norvégienne des Amis de la Terre, Silje Ask Lundberg.
Pétrole et gaz naturel ont permis au pays nordique d'amasser le plus gros fonds souverain au monde: plus de 10.000 milliards de couronnes (plus de 1.000 milliards de dollars) mis de côté pour l'avenir.
Mais de plus en plus de Norvégiens veulent accélérer la transition verte, selon les sondages, et un nombre grandissant de mouvements politiques prônent une limitation, voire un démantèlement ordonné du secteur pétrolier.
Défaites en première instance, deux ONG poursuivent de nouveau ces jours-ci l'
État norvégien devant les tribunaux afin d'obtenir l'annulation de licences de prospection nouvellement accordées dans l'Arctique.
"Le gouvernement ne peut plus ignorer l'impact dangereux du pétrole que l'on exporte sur le climat", a souligné Frode Pleym, leader de Greenpeace Norvège, un des plaignants. "Le pétrole reste du pétrole, où qu'on le consomme".
Afin de contenir le réchauffement de la planète à 1,5°C conformément à l'accord de Paris, les scientifiques estiment nécessaire d'atteindre la neutralité carbone d'ici au milieu du siècle.
Si elle se veut un champion climatique qui subventionne généreusement l'achat de voitures électriques et finance à tour de bras la protection des forêts tropicales, la Norvège est l'un des rares pays d'Europe à rejeter plus de gaz à effet de serre aujourd'hui qu'en 1990.
Au-delà de la "vitrine" Johan Sverdrup, le secteur pétro-gazier norvégien a vu ses émissions bondir de 73% sur cette période, et représente aujourd'hui 27% des émissions totales du pays, selon les statistiques officielles.
Tout en proclamant la nécessité de préparer l'économie à l'ère post-pétrole, Oslo continue d'attribuer des permis d'exploration en nombre record.
Difficile de faire une croix sur une vache à lait qui finance un cinquième du budget... "La personne qui éteindra la lumière sur le plateau continental norvégien n'est pas encore née", affirmait fin 2018 la Première ministre Erna Solberg.

AFP/VNA/CVN

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