Flânerie crépusculaire…

Mais que font-ils tous ces Vietnamiens qui envahissent les rues en moto le soir? Ils se promènent… Une petite balade à la fraîche? Suivez-moi!

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Crépuscule au bord du lac de l’Ouest (Hô Tây).
Photo: ST/CVN

Quand la journée a été torride, rien de tel que de profiter de la relative douceur vespérale pour flâner dans la ville. Sauf que, si en Europe, le quêteur de fraîcheur a plutôt tendance à se dégourdir les jambes en faisant du lèche-vitrine ou en baguenaudant le long d'avenues ombragées, ici, au Vietnam, on dépense l'essence pour le plaisir des sens.

À chacun son moment d'évasion motorisée: pour les jeunes adolescents, c'est de préférence en fin de soirée, au moment où la nuit permet toutes les transgressions; pour les plus âgés, c'est juste avant le repas du soir, histoire de s'aiguiser l'appétit; pour les familles, c'est plutôt entre chien et loup, pour admirer les dernières lueurs du jour et les premières lumières de la nuit…

En selle

Comme je fais partie du dernier groupe, c'est en allant chercher ma fille à l'école que j'entreprends ma transhumance quotidienne. À 17h00, mon épouse saisit le casque de sécurité de ma fille, et nous enfourchons la moto, sous les aboiements de tous les chiens du quartier, les nôtres inclus. Je ne sais s'ils nous souhaitent bonne ballade, ou s'ils nous assurent que les poules seront bien gardées en notre absence! En tout cas, inutile d'espérer s'éclipser discrètement avec ce tintamarre canin.

À 17h05, je suis confortablement assis sur la selle de ma moto, tandis que la mère de ma fille pénètre à l'intérieur du jardin d'enfant pour aller quérir notre progéniture. Laquelle se rue vers moi, déjà coiffée de son casque rose à visière, qui lui donne l'air d'un bonbon acidulé. On se fera des bisous plus tard, parce qu'avec les casques, ce seraient plutôt des coups de gong. Hop! J'attrape ma fille sous les aisselles et je la hisse devant moi, où elle s'installe en figure de proue, tantôt assise sur le bout de la selle, tantôt debout sur la plate-forme, toujours enserrée par les jambes paternelles qui lui servent de ceinture de sécurité… Je sens une main sur mon épaule et un mouvement derrière moi: le troisième membre de la famille est, à son tour, installé, calé entre mon dos confortable et le coffre de notre deux-roues. Nous sommes parés: eux vont pouvoir admirer le paysage, et moi je vais devoir piloter dans la cohue.

Tournez manèges

Nous commençons par emprunter la rue An Duong, qui borde le fleuve Rouge. L'occasion pour ma fille de rire aux éclats quand nous sautons sur les "gendarmes couchés", ces ralentisseurs en forme de dos d'âne qui sont sensés faire ralentir les conducteurs. Et ici, les gendarmes sont gros! Il faut presque s'arrêter si on ne veut pas être éjecté de sa selle… Mais, même si nous passons ces obstacles à la vitesse d'un escargot poitrinaire, le simple fait d'avertir ma fille en criant "Chú y dên mông!" (Attention aux fesses!) suffit à la faire hurler de joie, en secouant son gros casque-bonbon sous mon nez!

La rue piétonne autour du lac de l'Épée restituée, à Hanoï, attire de nombreux habitants de la capitale.
Photo: VT/CVN

Passés les soubresauts de cette rue, nous rejoignons la grande avenue de la digue, qui nous emmène entre voitures klaxonnant, camions tonitruants et motos pétaradantes, à l'entrée du pont Long Biên. C'est le moment de tourner  à gauche pour laisser les quatre-roues continuer leur chemin en longeant la mosaïque murale, tandis que nous traversons le fleuve en côtoyant la ligne de chemin de fer qui transporte les touristes vers Hai Phong, l'entrée de la baie de Ha Long, dans la province voisine de Quang Ninh (Nord).

Si nous nous retrouvons entre deux-roues, la route ne nous épargne pas: le revêtement rapiécé du vénérable ouvrage d'art me donne l'impression d'être sur un tapis vibrant. Je cramponne encore plus le guidon, tout en maintenant fermement ma fille entre mes jambes, alors que son casque frôle dangereusement mes mâchoires, au rythme des soubresauts de notre monture. Décidément, le trot est véritablement l'allure que je préfère le moins en équitation! Mâchoires crispées et bras endoloris, nous arrivons dans le quartier de Gia Lâm, de l'autre côté du fleuve. Quartier que nous traversons à vive allure, pour nous arrêter brusquement à un endroit qui fait frétiller ma fille depuis quelques minutes: un petit square qui abrite quelques manèges et attractions pour enfants. J'ai à peine le temps de freiner que déjà le bonbon quitte la tête de ma fille pour se retrouver dans mes mains, vite rejoint par le casque blanc de mon épouse qui elle court déjà après ma fille qui s'est précipitée vers le manège, sans se soucier de la nécessité d'acheter des tickets pour avoir le droit de se faire tourner la tête.

Le temps que je gare ma moto, que j'échange les plaisanteries habituelles avec les gardiens du lieu sur mon accent vietnamien, mon apparente bonne santé, la beauté de mon épouse, et la vigueur de ma fille, les personnes concernées sont déjà, pour l'une en train de chevaucher un percheron qui tourne en rond, pour l'autre en train de mitrailler la première avec son appareil photo-téléphone portable.

Tête en l'air

Quelques cavalcades foraines plus tard, je me retrouve à pêcher des poissons de plastique aimantés dans une eau saumâtre, dans le seul but de les rejeter à l'eau quand le panier qui nous été remis est plein!

Allez, il est temps de reprendre notre route. Les écharpes de nuit commencent déjà à envahir le ciel...

Retour par le pont Chuong Duong, qui nous ramène sur la route de la mosaïque. Un petit détour par le Vieux Quartier, et nous traversons la rue Thanh Niên, entre le lac Hô Tây (Ouest) et celui de Truc Bach (Soie blanche). Nous ne savons où donner des yeux, entre les lumières qui se reflètent sur l'eau, celles qui clignotent dans les arbres, celles qui festonnent la route et celles qui s'affichent sur les restaurants le long des rives. Quand, au bout de la digue, nous tournons à notre gauche, juste avant un grand hôtel en forme de pyramide, nous avons l'impression d'entrer dans un tunnel. La rue étroite et mal éclairée nous ramène vers l'avenue Âu Co. Encore quelques centaines de mètres, et nous redescendons à droite, vers la petite ruelle qui nous conduit à notre impasse...

Il fait déjà nuit, les chiens frétillent de joie en nous accueillant, dans l'air flotte l'odeur du repas qui nous attend... Le bonbon qui était devant moi depuis une heure se transforme en petite fille aux joues rouges de bonheur!

"On y retourne demain, hein baba".


Gérard BONNAFONT/CVN

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