Pêche illicite: la marche forcée des réformes

Un an après le "carton jaune" infligé par l’Europe, le Vietnam accélère ses réformes afin de mettre un terme à ses pratiques de pêche illicite, non déclarée et non réglementée (INN).

>>Le Vietnam met le cap sur la pêche durable

Un an après l’avertissement lancé par l’Union europénne (UE) contre les pratiques de pêche au Vietnam, Hanoï a mis en œuvre de nombreuses mesures en faveur d’un développement durable de la pêche.

Le Vietnam compte environ 109.000 navires de pêche, dont 28.600 hauturiers.
Photo: Dinh Van Nhiêu/ VNA/CVN

L’UE avait averti le Vietnam de ce carton jaune fin octobre 2017. Elle jugeait insuffisantes tant les mesures de lutte contre la pêche illicite, non déclarée ni réglementée, que celles censées assurer la traçabilité des produits halieutiques exportés vers l’UE. En juin 2018, Bruxelles a décidé de maintenir ce “carton jaune” jusqu’en janvier 2019. Récemment, une mission de 7 parlementaires européens s’est rendue au Vietnam pour une visite de terrain. Elle a reconnu les efforts déployés par Hanoï pour lutter contre la pêche illicite, et a rappelé que les recommandations émises par Bruxelles avaient pour objectif d’aider le Vietnam à promouvoir une pêche durable et responsable. Concrètement, la Commission européenne a demandé à Hanoï de garantir la traçabilité des produits capturés, de renforcer le contrôle des bateaux de pêche dans les ports et au large, d’installer un système de surveillance satellite sur tous les navires de renforcer les sanctions contre les pêcheurs illégaux.

Selon le ministre de l’Agriculture et du Développement rural Nguyên Xuân Cuong, la levée du “carton jaune” est urgente, car si cet avertissement se transformait en “carton rouge“, l’Europe fermerait l’accès des produits halieutiques vietnamiens à son marché. Bien que la mesure ait valeur d’avertissement, et qu’elle n’affecte pas techniquement la politique commerciale de la CE, l’industrie de la pêche vietnamienne craint que ce “carton jaune“ ne nuise gravement à la réputation des produits vietnamiens. Les pays qui ne respectent pas les normes communautaires reçoivent un “carton jaune“, suivi d’un “carton vert“ si les problèmes sont résolus ou d’un “carton rouge“ s’ils ne le sont pas. Un “carton rouge“ pourrait conduire à une interdiction commerciale des produits issus de la pêche.

Cap sur une pêche
responsable et durable

Le Vietnam n’a pas encore estimé les pertes enduites par ce carton jaune, mais leur ampleur est indéniable. Au lieu d’arriver directement chez l’importateur, les produits exportés sont au préalable stockés dans un entrepôt désigné par Bruxelles, où ils font l’objet d’un contrôle de vérification avant d’être expédiés sur les marchés européens. Ce dispositif coûteux affecte le prix de vente, et donc la compétitivité des produits concernés.

Les premières conséquences de l’avertissement européen se sont déjà fait sentir. Les exportations (hors aquaculture) vers l’Europe ont chuté de 21,3%. À leur arrivée dans les ports européens, tous les produits halieutiques vietnamiens subissent une inspection rigoureuse, à la charge de l’importateur. Le prix du thon, des céphalopodes et autres poissons et coquillages s’en trouve alourdi. Un tiers des 9 millions de tonnes (hors aquaculture) annuellement produites par le Vietnam est destiné à l’exportation, pour un total de 2,5 milliards de dollars. Avant le "carton jaune", l’Union européenne était le second marché à l’export du Vietnam.

Le Vietnam a immédiatement réagi à cet avertissement. En novembre 2017, les propositions de Bruxelles ont été introduites par amendements dans la loi sur les produits aquatiques, a rappelé le ministre Nguyên Xuân Cuong. Cette loi réglemente pour la première fois le contingent de permis de pêche commerciale, de captures pour certaines espèces de poissons migrateurs et pour les espèces grégaires. En même temps, elle réaffirme l’interdiction des activités de pêche illégales en dehors des eaux vietnamiennes. Les matières premières importées doivent elles aussi se conformer aux exigences en matière d’hygiène et de sécurité alimentaire. En ce sens, les entreprises ont obligation de compléter les documents attestant de l’origine des produits. En outre, des textes d’application des lois ont été publiés avec l’aide d’experts de l’Union européenne, ce qui renforce leur applicabilité.

Les neuf recommandations de l’UE concordent avec les objectifs fixés par le Vietnam pour le développement d’une pêche responsable et durable.
Photo: Thê Duyêt/VNA/CVN

Logbooks, GPS,
contrôles renforcés

Pour répondre aux exigences de l’Europe et éviter le “carton rouge“, le Vietnam a mis l’accent sur la traçabilité et le contrôle. Le gouvernement a mis en place un programme d’action pour obtenir la levée du “carton jaune“, où sont impliqués les professionnels de la pêche des 28 provinces littorales du pays. Les dirigeants de ces provinces doivent veiller à ce que les pêcheurs ne travaillent pas dans les eaux étrangères et déclarent leurs captures. Leurs bateaux doivent être équipés d’un système de surveillance satellite. Les ports et le système d’entrepôt doivent aussi être modernisés. Le ministère de l’Agriculture et du Développement rural a travaillé avec celui de la Défense pour le contrôle des bateaux de pêche en mer, et s’est coordonné avec les organisations internationales concernées pour lutter contre la pêche illégale.

Selon Luu Van Huy, chef du Département de surveillance de la pêche, à l’heure actuelle, le Vietnam compte environ 109.000 navires de pêche, dont 28.600 hauturiers. Le volume d’exploitation en 2017 est estimé à 3,2 millions de tonnes, en grande partie destinées aux exportations. La filière représente plus d’un million d’emplois dans l’ensemble du pays. Cependant, le nombre de navires a connu une croissance trop rapide par rapport au stock de ressources halieutiques. La pêche illicite et non réglementée a appauvri les ressources maritimes intérieures, avec des conséquences sur les revenus des pêcheurs. En conséquence, ces derniers ont illégalement exploité les eaux étrangères.

Pour éradiquer ce phénomène, tous les bateaux devront tenir un logbook (livre de bord), manuel pour les plus petits, électronique pour les plus gros (plus de 24m), qui sera contrôlé par les autorités portuaires à chaque marée. D’ici 2020, les bateaux de 15 à 24m seront progressivement équipés de transpondeurs, avec émission d’un signal toutes les deux heures. Ceux de plus de 24m et 200 chevaux émettront un signal GPS satellitaire, selon le projet Movimar mené par le consortium français CLS de Toulouse. Tout un arsenal de mesures coercitives sera disponible contre les récalcitrants (amendes multipliées par dix et retrait des licences).

Thê Linh/CVN

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